
L'esprit ou la conscience
MAISON 9 - SAGITTAIRE
Après la matière et ensuite la vie, nous entrons finalement dans le troisième état de la manifestation: l’esprit ou la conscience23. En abrégeant, afin de ramener à quelques mots-clés, le tableau donnerait ceci: dans la phase matière nous avions une substance génitale agissante contenant ses principes émetteur et récepteur (positif et négatif); dans la phase vie nous avons touché le sentimental présentant ses principes masculin et féminin (positif et négatif); les principes positif et négatif seront aussi manifestes dans la phase esprit où nous accédons au mental ou encore à l’intellect qui génère des idées, des concepts, des abstractions sur des notions comme le vrai le faux, l’ordre le chaos, l’harmonie la dissonance, ou sur des valeurs morales comme le bien le mal, le noble l’ignoble, le respectable le condamnable. Afin de poursuivre et d’achever les douze étapes du grand cycle, l’hypothèse veut ici que l’esprit24 se détache de son enveloppe corporelle, de son habit de chair, que le mental devienne son support ultime, le dernier instrument de ses desseins pour continuer sa route et se consacrer davantage à des valeurs intellectuelles, éthiques ou transcendantes.
Or, c’est dans la maison 9 que les questions philosophiques, politiques, théologiques, juridiques font leur apparition et offrent des synthèses éclairantes susceptibles d’orienter des conduites réglées sur des idéaux. C’est ici que s’amorce la recherche pour découvrir des valeurs universelles, pour parvenir aux causes premières, pour remonter à la source de la vie, pour dévoiler les lois du cosmos derrière les apparences et, le cas échéant, pour affiner les lois des hommes.
La tradition astrologique associe la maison 9 aux contrées lointaines, à l’étranger, aux étrangers, au voyage25. Ce qui leur est connexe se réfère aussi à cette maison comme les mythologies, les géographies, les ambassades, la diplomatie, les langues, les explorations maritimes, continentales, polaires ou spatiales. Les croyances, les guides spirituels ou touristiques, les divinités venues d’ailleurs trouvent leur résonance dans ce créneau. La maison 9 incarne la figure du porteur de la connaissance ouverte ou secrète à transmettre au continuateur: de l’artisan à l’apprenti, du maître au disciple, de l’enseignant à l’élève. On peut également y inclure l’entraîneur, l’initiateur, le pasteur, le dignitaire. Sensibilité spontanée pour les connaissances parallèles, souvent ésotériques ou venues de loin.
Le lointain peut également correspondre à une exploration intérieure visant à élargir la conscience personnelle, car aller loin peut aussi vouloir dire aller proche, proche de soi par un questionnement approprié, des études, une autocritique, des exercices, une recherche d’idéal.
MAISON 10 (Milieu-du-ciel) - CAPRICORNE
Après avoir voyagé et parfois aussi vagabondé tout à son aise dans le monde des savoirs, exploré et goûté au maximum la variété des milieux qui s’offraient à lui, l’être parvient à la maison 10, un principe négatif et d’inertie, une résistance par laquelle il sera bridé et ralenti dans l’ardeur de sa passion, comme l’élan du spermatozoïde avait été refréné par l’ovule. Cette étape marque donc pour lui la fin des poursuites multidirectionnelles et invite plutôt à la concentration de son énergie dans des champs d’activité délimités, mais approfondis et spécialisés.
Cette maison est avant tout appelée Milieu-du-ciel, car sa pointe indique l’apogée ou le degré le plus haut calculé dans le ciel d’un thème astrologique. Elle renseigne sur la vie publique comme son opposé, la maison 4 ou Fond-du-ciel l’avait fait pour la vie privée. On y observe donc l’élévation sociale de la personne, la profession, le métier, la promotion, le pouvoir, la réussite en vue d’une distinction publique, l’ambition, la convoitise de poste offrant prestige, notoriété, respectabilité, renommée.
La précision des connaissances, l’expertise, le bagage intellectuel ou expérimental, le professionnalisme, la maîtrise jusqu’à la virtuosité renforcent et prolongent le rayonnement de la personne sur laquelle on peut toujours s’appuyer, car elle incarne stabilité, régularité, endurance, compétence. Sens élevé des responsabilités. C’est ainsi que la réputation se construit durant toute une vie : le couronnement n’est bien sûr plus offert par hérédité, mais acquis par la force personnelle.
Désignant toujours la plus haute élévation des positions planétaires, l’idée de culmination, de consécration, d’aboutissement honorifique d’un talent, d’un métier, d’une profession, d’une carrière est tout à fait dans l’esprit de cette maison. Elle est aussi indicatrice de la fierté acquise et propre à flatter l’égo lorsque les réalisations sont réussies et remarquées.
MAISON 11 - VERSEAU
La maison 11, comme les maisons 3 et 7, joue un rôle de jonction. La maison 3 dans le cadre de son action sur la substance voit se jumeler les principes précédents mâle et femelle ; la maison 7 dans le cadre de son action sur la vie voit s’unir les principes masculin et féminin. La maison 11 dans le cadre de son action sur l’esprit procède au même exercice en fusionnant là aussi les principes moteurs précédents, cette fois-ci totalement désincarnés et ne se laissant pas réduire à deux concepts opposés.
On peut néanmoins s’appuyer sur la base énoncée plus tôt. La maison 9 ou Sagittaire occupe un espace consacré au principe positif alors que la maison 10 ou Capricorne loge dans un créneau consacré au principe négatif. On peut alors avancer l’idée d’ouverture, d’expansion, d’extraversion pour la maison 9 et d’intériorité, de concentration, d’introversion pour la maison 10. Ce sont là des mentalités ou des philosophies que la maison 11 ou Verseau devra synthétiser26. L’activité qui anime cette maison est donc toute cérébrale et intellectuelle.
Dans la maison 3, les relations sont établies avec les frères et sœurs, le monde de l’entourage immédiat, rapproché et plutôt imposé. Dans la maison 7, elles sont conclues avec un conjoint, un partenaire, un associé et avec consentement. Dans la maison 11, elles arrivent à transcender ces types de rapport. Cette maison favorise et développe les échanges d’idées, les réciprocités, les relations sociales en général formées par des goûts ou des intérêts mutuels : contacts privilégiés, influences émancipatrices, appuis importants, parrainages opportuns.
On pourrait dire de ces relations de troisième type qu’elles sont justement désincarnées, virtuelles, mais non moins présentes en périodes turbulentes. Cette maison est consultée pour connaître la nature des liaisons et des amitiés précieuses dont la personne dispose et les protections qu’elle peut en tirer. Les collaborateurs et les fréquentations qui s’y rattachent jouent un rôle déterminant pour la soutenir dans ses aspirations, desseins, entreprises, espérances. À l’opposé de la maison 5 (progéniture) les projets auxquels il est donné naissance ici sont accueillis comme des enfants issus non pas du génital, mais du cérébral.
Le Verseau peut aussi faire voir l’humanité composée de frères et de sœurs formant des familles politiques et spirituelles. Après la famille biologique, c’est à la famille sociale de faire son entrée en scène. Les communautés humaines ainsi constituées sont elles-mêmes appelées à fraterniser pour accéder à la conscience planétaire. La philanthropie et l’universalité de pensées sont inscrites dans l’esprit de cette maison qui cherche moins à faire rayonner une personne27 que la parcelle d’humanité qui l’habite28.
MAISON 12 - POISSONS
On l’a vu, un élan premier ainsi qu’une étape finale caractérisent chacune des trois phases de la manifestation que sont la matière, la vie, l’esprit.
L’être de la maison 4 est expulsé de son enveloppe mère pour donner à la vie son élan premier en maison 5. L’être de la maison 8 s’extirpe de son enveloppe de chair pour accéder à la maison 9 qui incarne l’élan premier de la phase esprit.
L’être de la maison 12 ferme la phase esprit et devrait en principe semblablement subir l’expérience de la dissolution du mental, de l’évanouissement de cet ultime véhicule: épreuve au-delà de laquelle règne l’inconnu.
Mais ce qui s’est manifesté sous forme d’élan initial dans la Maison 1 ne peut avoir surgi de « rien ». Le vide est non-être. Ainsi, ce qui s’est manifesté a surgi d’un « quelque chose » qui lui a été préalable ou qui lui était immanent29. La maison 12 ne serait-elle pas reliée à la maison 1? Fait intéressant à noter, partout où le signe du Bélier est reproduit selon la tradition, nous pouvons voir que l’animal tourne la tête, jetant un dernier regard sur ce qu’il vient de quitter avant de s’élancer. Le chemin que cet être vient de parcourir à travers les douze maisons ou douze signes, lui est connu, mais cette connaissance sera bientôt brouillée et son passé verrouillé. Alourdie de matière ou de substance, la conscience s’épaissira jusqu’au sommeil.
La maison 12 sublimerait le cumul des acquis dans une sorte de cocon-matrice. Comme les maisons 4 et 8 ont été animées d’une convulsion pour donner la vie et pour donner la mort, il reviendrait à la maison 12 de s’animer cette fois-ci d’une grande convulsion terminale. Ce mouvement initié par cette évacuation, cette propulsion lui communique cet élan premier qui lui est aussi nécessaire que le flagelle du spermatozoïde pour amorcer un cycle. L’être ne traînerait avec lui que le bagage résiduel, mais essentiel, de tout le cycle qu’il vient de compléter et dont il ne conservera aucun souvenir, comme l’enfant ne se souvient pas de sa vie intra-utérine30.
Il y a souffrance à naître. Il y a souffrance à mourir. Il y aurait une suprême souffrance à devoir de la sorte s’alourdir de matière, de substance, à perdre le souvenir même d’un soi. On comprend peut-être mieux pourquoi la tradition parle d’épreuve lorsqu’elle veut traduire ce que représente la maison 12.
Coup du sort, obstacle, malchance, impasse sont susceptibles de surgir et d’hypothéquer un projet, de freiner un élan expansionniste, d’appesantir une quête, de briser un rêve. Ce qui arrive par ce qu’on aura négligé de faire: récolte de fruits amers. Objet de scandale, fondé ou non. Se retrouver au mauvais moment dans un mauvais endroit: subir les conséquences d’une faute commise par d’autres. Se faire offrir ce qui est considéré comme un présent, mais qui s’avère par la suite un cadeau empoisonné. Traquenard, piège ; sentir le filet se resserrer ou vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Eau trouble, clandestinité; errance, itinérance, égarement. Inimitié, ennemi embusqué. Infirmité, maladie rare, contagieuse, difficile à contrôler; ennui mystérieux ou inexplicable.
La maison 12 ou Poissons incarne aussi une force qui aspire à œuvrer avec d’autres volontés pour l’accomplissement d’intérêts communs. Sensibilité aux courants collectifs. L’être ne se résigne pas à la dépersonnalisation, mais y consent plutôt, afin que cette communion puisse véritablement donner naissance à une réalisation pleinement collaborative.
Subordination, donc, qui n’est pas nécessairement soumission ou servitude, mais serviabilité, empathie, sollicitude, compassion. La force mentale se dissout pour favoriser la force spirituelle et intemporelle. État illimité de conscience. Se sacrifier et s’offrir comme levier pour soulever le monde appartient aussi aux mystères de la maison 12.
Il y aurait possiblement un lien à établir entre la maison 12 et la maison 1 comme il a été suggéré plus haut. Mais il est particulièrement hasardeux de vouloir aller plus loin, car il faudrait pouvoir répondre aux questions reliées à l’existence d’un cycle entier. En effet, s’agit-il d’un élan unique et linéaire, d’un cycle répétitif, d’une récurrence s’inscrivant dans une spirale?
C’est beaucoup demander que de suivre un développement basé sur une correspondance analogique. Ce genre de déductions élabore une argumentation qui demeure toujours subjective et fragile. Il apparaît important de le signifier afin d’être prévenu d’une éventuelle dérive. L’astrologie n’est pas une science rationnelle, mais comme les autres connaissances elle propose un savoir. Il faut pouvoir envisager la possibilité que tout savoir soit peut-être un mythe…