
Terre
Les êtres identifiés à la terre offrent des parallèles avec cet élément. Si l’on figure que la terre est fertile, nourricière et solide, on peut supposer que la personne, où cet élément domine, est productive, travaillante, économe, féconde et qu’elle possède les atouts pour s’enrichir ou voir s’agrandir son territoire et son patrimoine. On peut compter sur sa fidélité, sa constance, sa régularité, sa stabilité, son attachement durable. Les idées ou les projets sont élaborés laborieusement, lentement, mais leurs réalisations sont entreprises sur des bases solides comme le roc.
Immobilité, lourdeur, inertie sont des mots qui les définissent bien. Ces personnes peuvent accumuler ou générer des richesses, mais aussi de la cellulite. Posséder les choses (babioles ou œuvres d’art) constitue un plaisir, une protection, une garantie. Elles travaillent ferme pour se les procurer et lèguent généralement un héritage à leur descendance, n’ayant souvent pas elles-mêmes consommé l’objet, mais l’ayant plutôt conservé, protégé et, finalement, tout simplement possédé parce que c’est une sauvegarde sécurisante.
En mythologie, Déméter est la déesse de la terre cultivée. Et qui mieux que le couple mère-fille que sont Déméter et Perséphone pour suggérer l’idée de fertilité? Mais lorsque Perséphone est obligée par la force d’obtempérer à Hadès roi des Enfers, devenu amoureux d’elle, Déméter sa mère en éprouve une telle tristesse qu’elle refuse de faire pousser quelque brindille que ce soit sur toute la surface de la Terre jusqu’à ce qu’on lui rende sa fille. La Terre devenue stérile bouleverse l’ordre du monde. Zeus lui-même doit intervenir. Mais parce qu’elle a rompu son jeûne en mangeant un grain de grenade pendant son séjour dans le monde souterrain, Perséphone doit désormais se résigner à être partie prenante de ce monde. Dans le compromis, Perséphone allait partager l’année en deux temps : six mois sur la terre et les six autres dans le monde souterrain. Ainsi, par sa présence près de sa mère Déméter, des semailles aux récoltes, le règne végétal atteint son maximum de croissance. Mais lorsqu’elle doit redescendre rejoindre Hadès, la terre redevient infertile jusqu’à la saison suivante. On peut reconnaître dans cette histoire une explication du passage des saisons allant de la lumière, de la chaleur et de l’éveil à l’obscurité, aux froidures et au sommeil des sols.
Parmi les natifs des signes de terre, nous pouvons voir des êtres en affinité avec le sous-sol, le sol, la montagne, les pierres, les parfums floraux, les croisements végétaux, l’agriculture, l’horticulture : bref, avec la nature physique sous toutes ses formes. Ces êtres vont naturellement développer des attirances pour les jardins, les potagers, les vignes, les plaisirs gourmands et sont particulièrement à l’aise lorsqu’il est question d’art culinaire, de révolution alimentaire, de nutriments et même de diète.


La terre du Taureau est celle du sillon creusé par la charrue tirée par le bœuf pour y déposer la semence. C’est la terre grasse, imbibée des eaux libérées par les neiges fondantes ou encore enrichie par l’apport des minéraux contenus dans les alluvions. C’est la terre drainée, dissoute, herbeuse, fertile. Et d’une manière sympathique, vue d’en haut, on dira que c’est celle du plancher des vaches. Et c’est bien le bovin qui est l’animal représentatif du deuxième signe du zodiaque, animal qui broute l’herbe des prés et rumine. On dira également du Taureau qu’il ressasse ses idées comme ses chagrins, s’abîme dans de lourdes pensées, se tracasse pour la rentabilité d’un projet, réfléchit longtemps avant d’agir. Il peut remâcher et entretenir sa rancune pendant de longues années avant de passer à l’offensive, qui ressemble alors davantage à de la vengeance. Cela a pour effet de surprendre l’entourage lorsqu’il pose des gestes longtemps après les faits, car personne n’a vraiment pu constater son cheminement intérieur. De l’animal, il conserve la lenteur physique. On peut ajouter que la lenteur psychologique ou intellectuelle est également bien présente. Mais lorsque les choses vont bien en matière de création ou de procréation (c’est aussi du taureau reproducteur dont il est question), elles profitent à ceux qui le côtoient, car il sait s’enrichir et agrandir son patrimoine. Par contre, s’il vit de l’insatisfaction, de la frustration, de la soustraction, des pertes et que la mastication psychologique est terminée, là aussi l’entourage pourrait ne pas comprendre sa rumination immuable des mêmes thèmes : richesse, confort, amour, attachement, travail, argent, sensualité, désir, possession et toutes les formes de plaisir. C’est le monde de l’avoir bien plus que celui de l’être. Comme le bœuf qui laboure la terre inlassablement sa capacité de travail est phénoménale. Son enrichissement n’est donc dû qu’à lui-même. Et il le sait. Il porte un jugement inflexible sur ceux qui ne font pas les efforts nécessaires pour produire un changement. Comme la vache, longtemps symbole de fécondité, il est un multiplicateur comme s’il avait le toucher de Midas8.


La terre de la Vierge est celle de la récolte, de l’épi bien mûr. Elle a travaillé à convertir les minéraux en vitamines assimilables. C’est donc une terre qui a donné. La chaude participation à la vie est terminée. La floraison printanière n’est plus qu’un lointain souvenir et la luxuriance estivale s’est condensée dans la pulpe. La photosynthèse a cessé, les feuilles sont racornies ou tombées, les tiges ont séché, mais la production est parvenue à son terme. C’est donc la terre nourricière, la terre garde-manger, la terre fruitée et sucrée dont on peut extraire le meilleur; celle qui permet d’engranger les moissons, d’accumuler les réserves, de faire des conserves ; elle va bientôt entrer en sommeil, en hibernation afin de se reposer et se refaire des forces. Par analogie le natif de la Vierge est économe, prévoyant, calculateur et constitue bien malgré lui des réserves susceptibles d’adoucir son anxiété des lendemains appréhendés et incertains. Anticipant sur la saison à venir qui n’aura pratiquement rien à offrir, il planifie, organise et entrepose minutieusement pour éviter le manque ou la pénurie. La raison, omniprésente, attribue à chaque chose une case précise tout aussi bien dans la maison que dans sa tête. D’où des tendances à la systématisation, à la méthode, à faire des collections ou des classifications et finalement à accumuler plein de choses qui peuvent toujours à ses yeux être utiles. Son existence quadrillée est parfois reçue avec ennui par un entourage plus enjoué et participatif. Mais il parviendra à sortir quiconque d’embarras dans une infinité de petits détails de la vie dont il est seul à posséder le secret. Il sait beaucoup… pourrait beaucoup… mais demeure en retrait de tout ce qui est susceptible de perturber sa tranquillité d’esprit. Il ne veut rien risquer de perdre: ni ses économies ni sa paix.


La terre du Capricorne n’est pas celle de la stérilité, mais bien plutôt de la non-production. Et l’on pourrait même ajouter de l’apparence d’improductivité. Car c’est celle qui recueille la graine en attente de la chaleur afin d’émerger du sol. Et semblablement le Capricorne met souvent longtemps avant de s’éveiller, de s’ouvrir, de participer. Il vit du temps de retrait, d’engourdissement, d’hibernation. Il a donc un métabolisme ralenti comme les bulbes, les racines ou les rhizomes qui ont des vies dissimulées, enfouies, presque immobiles. La vie cependant s’y maintient, mais au minimum nécessaire. C’est une terre qui accueille malgré tout en son sein des cellules, bienque figées. Ainsi, le Capricorne a le sang-froid, qualité bien souvent nécessaire pour accomplir certaines tâches où l’esprit doit conserver le maximum de concentration, de réflexion ou d’attention. À l’échelle humaine aucun mouvement n’est décelé, aucune couleur chatoyante n’attire les regards, aucune chaleur ne favorise les échanges : on serait tenté de dire terre ingrate alors qu’elle dort avec son trésor, sa promesse, son embryon. Le Capricorne connaît lui-même l’ingratitude pour son travail le plus souvent accompli dans l’ombre, à l’abri des regards et donc de la conscience et de la reconnaissance des autres. C’est la terre traversant une phase de sédimentation, d’épaississement, de calcification, de pétrification, de fossilisation. Celle que le vent asséchant a dénudée en laissant saillir le roc, froid, insensible et immuable. Ce sont ces qualités sans éclat qui permettent cependant au Capricorne d’affronter l’obstacle le plus tenace, d’escalader la face nord s’il le faut, de résister à tout et plus particulièrement au temps. Constant, régulier, indéfectible, il gagne sans cesse du terrain sur des adversaires qui l’auraient mal évalué. Cette capacité à tenir ferme, à persister, à endurer bien souvent sans broncher ni se plaindre constitue aussi le secret de sa longévité.