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   L’intention est de redonner à l’astrologie un peu du lustre qu’elle a graduellement perdu au fur et à mesure du développement d’une certaine pensée rationnelle. L’opacité s’accentue lorsque le premier venu se croit compétent pour s’en faire le diffuseur dans un mélange de méconnaissance et de profit à en tirer. Si la raison a eu raison de la déraison astrologique, des praticiens tentés de jouer les grands prêtres ont par la suite largement contribué à sa disqualification puis à sa chute.

   Entendre seulement son nom déclenche souvent plus d’irritation que de sympathie tellement elle a été défigurée, monnayée et vulgarisée dans des horoscopes anémiques. Il est donc proposé au moins à titre provisoire de suspendre son jugement avant de procéder à une relecture.

   Seront questionnées autant la dogmatique connaissance traditionnelle que la catégorique raison scientifique. Recentrer le débat afin de reconstituer des repères au fondement plus sain et plus assuré apparaît comme une nécessité. Sacralisation de l’astrologie ou déclarations retentissantes n’ont pas leur place ici.

   Il a été particulièrement précieux que les siècles passés aient vu se développer des instruments d’investigation sous forme d’outils conceptuels qui permettent de mieux comprendre ce qui n’est pas rationnel: intuition, imagination, furie destructrice, potlatch ostentatoire, folie, vie onirique, superstition, panique boursière… astrologie.

   L’irrationnel, forme de conscience parallèle, a ses limites et la raison tout autant. Les rationalistes sont encore nombreux en ce domaine à s’estimer seuls compétents pour séparer l’illusion de la réalité. Parviennent-ils à expliquer l’irrationnel? Que veut dire expliquer? A-t-on eu raison de reprocher à la médecine de chercher à expliquer la vie en pratiquant la dissection sur des corps d’où la vie s’était retirée? On n’aura eu que partiellement raison parce que les bénéfices rendus à l’individu ont été d’un soulagement physique et psychique sans commune mesure avec la critique qu’on lui adressait. La médecine d’aujourd’hui sait plus que jamais qu’elle est limitée en ce qui concerne l’explication de la vie. Elle sait en effet que la vie ne relève pas que des organes « expliqués » par la science pour être comprise. Quant à la psychologie, nous devons admettre qu’elle a fait accomplir à l’humanité des pas de géant qui lui ont permis de voir qu’il y avait dans le ciel des traditionalistes les propres projections de cette humanité. La raison permet effectivement d’y voir plus clair, mais il y a peut-être une limite à vouloir comprendre le déraisonnable par le raisonnable. Ainsi, avant d’entrer en contact avec l’irrationnelle astrologie, ne serait-il pas approprié de prendre temporairement un peu de recul avec l’arsenal rationnel? Ne peut-on supposer que ce qui est retenu ou rejeté par le filtre de la raison brouille et cache peut-être une autre réalité au lieu de la montrer?

   Mais ne faudrait-il pas faire la différence entre démontrer et montrer? Il y a des explications qui n’empruntent pas toujours au registre discursif de la production d’une suite d’arguments purement rationnelle. Lever le voile sur des faits irrationnels avérés est davantage un exercice de monstration que de démonstration.

  Montrer, sans prétention démonstrative, voilà donc un des objectifs poursuivis dans cette recherche. On ne peut non plus ignorer ici que « montrer quelque chose » suppose parfois chez l’observateur une présélection inconsciente. Vouloir absolument voir quelque chose, c’est ouvrir la voie aux illusions. Il est donc impératif de se demander constamment si ce qui est vu, reçu par les sens ou la conscience est fondé ou source de tromperie.

    Il nous est donné d’observer la présence d’un irrationnel en tout temps et en tout lieu. Ce que nous voyons nous est confirmé par des faits de société observables. Cette omniprésence de conceptions spontanément jugées aberrantes par la raison ne mériterait-elle pas plus de curiosité? N’observe-t-on pas par exemple des états modifiés de conscience dont les manifestations peuvent conduire à des actes meurtriers, mais qui peuvent aussi ouvrir à des pratiques mystiques?

   Se peut-il que ce rouage cosmique n’ait d’autre sens que la subjectivité qu’on lui prête? Voir des liens entre le haut et le bas comme le fait l’astrologie suppose la possession d’outils d’analyse et d’interprétation. Ainsi, bien avant d’observer le sillage des corps célestes pour en mesurer et en suivre le mouvement, il est nécessaire d’affronter certaines questions préalables essentielles et pour lesquelles les réponses ne sont jamais totalement claires et nettes. Qu’est-ce qu’un événement inespéré et favorable ou fâcheux et défavorable? Quand estil possible d’affirmer qu’un événement s’accompagne d’une charge bénéfique ou contrariante? On pourrait même avoir à répondre à la question: qu’est-ce qu’un événement?

   Peut-on établir une relation entre le ciel et la terre, les astres et les hommes? Sous toutes les latitudes ces derniers ont entretenu l’idée d’une relation de cause à effet et pour peu, de récompense et de punition. Le haut scarifiait le bas et le tracé ainsi défini allait s’imposer aux hommes. Ils ont sans doute jugé, comme le racontent plusieurs mythes grecs, qu’il était vain de vouloir s’écarter de ce destin, de vouloir ainsi défier ce qui était message sinon sentence d’en haut. Mais aujourd’hui, comment pourrait-on témoigner de cette relation qui persiste malgré l’avancée des sciences?

 

  Ces questions doivent rester présentes à l’esprit, car les propositions de réponses devront constituer un minimum de légitimité du discours astrologique que chacun sait être dénué de fondement rationnel suffisant et satisfaisant.

 

   La raison, faut-il le rappeler, n’est ici ni rejetée ni condamnée, mais seulement désactivée afin de permettre à des intuitions, des interprétations, des subjectivités conscientes de se déployer.

   Il ne s’agit plus de déboulonner l’astrologie : cela a largement été fait et l’objet n’est toujours pas tombé à la suite de cette déconstruction.

   Il s’agit plutôt de faire siennes cette pérennité, cette survie, de s’étonner de cette survivance, de cette espèce d’immortalité de l’astrologie. Force nous est de reconnaître qu’il y a quelque chose plutôt que rien comme aurait dit Leibniz. Et c’est de ce quelque chose qu’on est invité à minimalement convenir.

   Il est exigeant d’être exigeant. La rigueur est de rigueur dans cette astrologie qui est proposée, car cet objet, malheureusement encore, suscite autant d’ignorantes condamnations que d’adhésion sans critique.

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